Axionable était présent au Movin’on summit 2019, le Davos de la mobilité durable qui a eu lieu du 4 au 6 juin à Montréal. La Mairesse de Montréal, Valérie Plante, a fièrement lancé le Sommet Movin’On en compagnie de Florent Menegaux, le président de Michelin en encourageant notamment la collaboration afin de passer de l’ambition à l’action.
Le sommet Movin’on en chiffres c’est près de 5000 participants venus d’Europe et des Amériques, plus de 80 conférenciers et modérateurs, 58 grands enjeux à explorer.
Les participants de Movin’on pouvaient assister à des conférences, des évènements à la carte, des sessions de travail et à des labs. Parmi les nombreux conférenciers, de grands noms étaient présents tels que Yoshua Bengio (Directeur Scientifique MILA qui vient de recevoir le prix Turing), Sandra J. Sucher (Professor of Management Practice à la Harvard Business School), Guangzhe Chen (Sr. Director, Transport Global Practice à la Banque mondiale) et Ursula Mathar (vice-présidente du développement durable et de la protection de l’environnement du groupe BMW).
Vincent Philippine (Directeur associé Mobilités et Industries chez Axionable), Abde Es-Saïdi (Responsable des opérations d’Axionable Canada), Justine Dima (Consultante chercheuse en Données et IA chez Axionable Canada), Clément Ponsonnet (Consultant en Données & IA chez Axionable Canada), reviennent sur les conférences et les 5 grandes tendances qui ont marqué cette 3ème édition du sommet Movin’On 2019.
1. Ensemble ou mourir
La Société actuelle évolue à un rythme sans précédent. Il devient impossible de rester à la page en travaillant seul et isolé. De plus, les besoins et usages des citoyens évoluent très vite et de manière hétérogène (selon les différentes générations, le revenu familial, etc.), ce qui fait en sorte qu’il est difficile de satisfaire tout le monde. Les organisations publiques et privées se retrouvent alors dans une position délicate face à ces tendances de fond qui impactent directement leurs modèles économiques. Pour relever les défis de la mobilité durable de demain, un seul mot d’ordre des différents conférenciers : écosystème.
Toutefois, cela est loin d’être facile tant certaines entreprises sont frileuses à partager leur “recette secrète” de peur de perdre leur avantage concurrentiel. Si bien que le manque de transparence constitue l’un des freins principaux à l’intelligence collective. Pour autant, une prise de conscience générale commence à prendre forme : tout le monde gagne à travailler ensemble, à partager les succès et les échecs de chacun afin d’accélérer le progrès. Les conférenciers s’entendent sur la nécessité de travailler en écosystème ouvert, synonyme d’échange, d’interconnexion et d’apprentissage. Cet ensemble formé par une communauté d’organisations est un excellent moyen de réunir des perspectives innovantes et différentes. Seleta Reynolds (Los Angeles Department of Transportation) propose d’ailleurs que le secteur public joue un rôle proactif à ce niveau afin d’encourager cette coopération avec le secteur privé.
En conclusion, selon Olivier Ribet (Dassault Systèmes), “c’est un changement de culture majeur que l’on voit apparaître”.
2. Concevoir des villes intelligentes, décarbonées et adaptées aux citoyens
«Une personne sur sept est handicapée… L’inclusivité, c’est bon pour les affaires.»
— Hervé Bernard (Directeur, Social et inclusion, Handicap International).
Beaucoup d’interventions avaient trait aux villes intelligentes avec comme toile de fond une densification des villes et une augmentation de la congestion. Les villes intelligentes doivent être réfléchies de sorte à favoriser l’inclusion et la diversité puisque les besoins des citoyens sont très variés. Comme l’explique Greg Clark de HSBC, plus une ville dépend des véhicules privés, plus celle-ci est ségréguée. Les milléniaux sont nés avec la technologie mais ce n’est pas le cas pour les générations plus anciennes. À quoi ressemble donc la ville intelligente de demain dans laquelle chaque citoyen a sa place ? Les différentes parties prenantes doivent répondre à cette question.Une grande tendance des villes autonomes est le développement d’offres multimodales de transport combinant voitures partagées, transports en commun, vélos et autres offres comme les trottinettes. Aujourd’hui déconnectées, ces offres seront demain intégrées dans des systèmes globaux de transport qui permettront de décongestionner les villes. Le président de Salesforce, Alex Dayon, a quant à lui proposé sa vision d’une « ville app store », connectée à ses citoyens par de multiples APIs.
Ces projets ambitieux nécessitent d’importants financement, hors des capacités actuelles des villes, comme l’a présenté Mark de la Vergne de la ville de Detroit. Plusieurs pistes ont été évoquées au fil des conférences. Parmi celles-ci, les partenariats public-privé, la monétisation des données, la capitalisation sur l’appréciation de l’immobilier et la perspective de faire payer le coût réel de l’utilisation de la route à ceux qui préfèrent les véhicules privés furent avancées.
3. Véhicules autonomes : encore de la route à parcourir
De nombreuses interventions lors de ce sommet étaient consacrées au sujet des véhicules autonomes, avec les différents acteurs de la mobilité présentant leurs initiatives dans ce domaine. Plusieurs intervenants partagent une vision du futur où les véhicules sont autonomes, électriques et partagés en étant disponible sur demande. Cette perspective force de nombreux acteurs à ré imaginer leur modèle d’affaires autour de la mobilité. En effet, moins de véhicules seront vendus une fois que ceux-ci seront partagés, et les constructeurs automobiles devront trouver d’autres relais de croissance. General Motors, par exemple, envisage à terme de développer une flotte de robots-taxis.
Mais force est de constater également que les véhicules autonomes mettront longtemps à se développer. Pour l’instant, des obstacles technologiques majeurs restent à surmonter. Le prix sera également un frein à la généralisation des véhicules autonomes : Faurecia estime qu’une navette autonome nécessite aujourd’hui entre €60 000 et €70 000 de technologie autonome à bord, en plus du prix de la navette elle-même. Ils estiment que ce prix mettra 15 ans avant d’être divisé par trois.
Néanmoins, plusieurs intervenants ont esquissé des actions concrètes à prendre dès aujourd’hui. General Motors a expliqué qu’ils font de grands progrès dans les véhicules semi-autonomes. Plusieurs projets pilotes ont ainsi été réussi dans des environnements contrôlés, où le champ des possibles est réduit. Par ailleurs, la ville de Boston a pu tester des navettes autonomes dans une voie réservée sur certaines de leurs rues. Enfin, d’importants efforts doivent être faits du côté de la régulation. Comme l’explique Hadi Zablit (Senior VP chez le groupe Renault-Nissan), il faut un consensus mondial sur la sécurité des véhicules autonomes et une régulation globale. Si les régulations sont différentes de ville en ville, les constructeurs ne pourront pas construire des véhicules qui les satisfont toutes. Enfin, la technologie 5G est perçue à la fois comme une opportunité d’améliorer les dispositifs autonomes grâce à des temps de latence réduits, mais également un défi en termes de cyber sécurité.
4. Craindre l’IA : réaction irrationnelle ou peur justifiée ?
Les conférenciers sont unanimes. La confiance en l’IA est l’enjeu majeur lié à la mobilité connectée et autonome. Bien que naturelle pour les êtres humains vivant un changement, cette peur semble paradoxale. En effet, il a été démontré que les voitures autonomes sont plus fiables que les humains d’après Étienne Hermite (CEO chez Navya) : en effet, plus de 90% des accidents sont liés directement à une erreur humaine de perception ou de réaction selon l’américaine National Highway Traffic Safety Administration. Or, une voiture autonome est attentive 100% du temps…
Ce n’est toutefois pas suffisant pour établir la confiance en la machine. Selon Seleta Reynolds (Los Angeles Department of Transportation), cela est d’autant plus surprenant quand on sait que l’on continue de prendre l’avion et de faire confiance à ce moyen de transport malgré les divers crashs aériens.
La confiance étant fragile, il est vital de faire le nécessaire pour rétablir la confiance des citoyens en les accompagnant vers l’acceptation de ce bouleversement. Pour ce faire, Seleta Reynolds (Los Angeles Department of Transportation) et Alex Dayon (Président chez Salesforces) recommandent tous deux de démystifier l’intelligence artificielle et d’éduquer les gens. Autrement dit, il est question de développer l’éducation numérique de la Société pour instaurer la confiance des individus à l’égard de l’intelligence artificielle. Pour sa part, Daniel Hoffer (Managing Director chez Autotech Ventures) nous rappelle que la confiance évolue au fil du temps. Autrefois, les individus avaient peur d’utiliser des cartes bancaires et elles sont dorénavant omniprésentes dans notre quotidien. La confiance à l’égard des véhicules autonomes se fera sans aucun doute également avec le temps avec un accompagnement au changement rigoureux et de façon progressive.
5. L’IA au service de l’environnement
Yoshua Bengio « rock star » de l’intelligence artificielle et récent récipient du prix Turing, a présenté dans une conférence très attendue le potentiel de l’IA dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le Pr. Bengio a d’abord présenté des applications de l’IA dans l’industrie pour limiter l’impact humain sur l’environnement. Ainsi, les algorithmes de deep learning peuvent être utilisés pour modéliser la consommation et la production d’énergie, ce qui permet ensuite d’optimiser le prix et surtout la distribution de l’électricité pour minimiser les pertes. Dans les transports, l’IA peut servir à prédire les flux et améliorer l’infrastructure des villes en conséquence. Dans l’industrie, l’IA et la recherche opérationnelle peuvent être utilisées conjointement pour optimiser les supply chains et le transport de marchandise. Dans la construction, il est possible d’optimiser la consommation énergétique des bâtiments grâce au machine learning. Enfin, l’IA peut être utilisée pour affiner les prédictions des modèles climatiques actuels basés sur des règles de physique.
Ensuite, le Pr. Bengio a présenté un projet de sensibilisation au changement climatique qu’il dirige au sein du centre de recherche du MILA. Son équipe utilise la technique des GANs (Generative Adversarial Networks, qui permettent de générer des images avec un fort degré de réalisme) pour permettre aux gens de visualiser de façon personnalisée l’impact du changement climatique sur un lieu qu’ils connaissent. A partir d’une image d’un lieu comme une maison, le GAN développé génère une image montrant le lieu tel qu’il risque d’être si rien n’est fait pour limiter le changement climatique. Ce projet est relativement nouveau et pour l’instant, la solution est au stade de prototype et permet uniquement de visualiser le lieu suite à une inondation. Dans le futur, la solution intègrera plusieurs types de phénomènes climatiques (sècheresse, ouragan, pollution…), et les intègrera en fonction des prédictions d’un modèle climatique formel pour ce lieu.
En définitive, les acteurs publics et privés de la mobilité durable tendent à se transformer, communiquer et collaborer dans une dynamique d’écosystèmes sans précédent. La prise de conscience collective du potentiel des synergies à aller capter, en particulier lorsqu’on parle de données et de technologies était remarquable lors de cette édition du sommet Movin’On. Cependant, l’optimisation par la donnée et son partage sont des tendances de fond mais encore à leurs prémisses. Avec la nomination de Vincent Philippine en tant que directeur associé mobilité et industries, c’est tout l’enjeu auquel Axionable souhaite répondre pour in fine aider les entreprises de ces secteurs à accélérer leur transformation data et IA en se concentrant sur les initiatives qui ont réellement de l’impact positif à moyen terme.